Au XVIIe siècle, les AmĂ©riques sont les terres de tous les possibles. PoussĂ©s par l’appât du gain, les explorateurs se bousculent aux portes du Nouveau monde. Et pour reprendre des forces durant les longues traversĂ©es, ils trempent leurs lèvres dans un alcool artisanal aux effluves de canne Ă  sucre.

Dans les CaraĂŻbes et sur l’ensemble des terres sauvages amĂ©ricaines, un spiritueux gagne alors en popularitĂ© : le rhum. Ou plutĂ´t, devrait-on dire, les rhums. En effet, quand il s’agit de fermentation alcoolique, chacun y va selon sa mĂ©thode.

Pour les fiers conquistadors espagnols, le rhum doit ĂŞtre fin en bouche et parfumĂ© sur des arĂ´mes de cacao, de caramel et de cafĂ©. Afin d’affirmer l’hĂ©gĂ©monie du style espagnol, ils baptisent leur alcool le « Ron ».

HabituĂ©s Ă  une alimentation plus consistante, les anglais prĂ©fèrent des distillats plus puissants et plus lourd en bouche. C’est ainsi que le rhum de style anglais ou « Rum ».

Au dĂ©but du 19ème siècle, suite au blocus anglais sur le sucre d’origine des Antilles, NapolĂ©on dĂ©veloppe la culture de la betterave sucrière en France mĂ©tropolitaine. Le commerce de sucre de canne s’effondre alors dans les Antilles françaises et il faut de tout urgence trouver un nouveau dĂ©bouchĂ© pour cette denrĂ©e. C’est Ă  cette Ă©poque que nait le fameux rhum agricole, soit le rhum produit Ă  partir de la fermentation du jus de canne fraichement pressĂ© appelĂ© le « vesou » (pour plus de dĂ©tail, se reporter Ă  notre article « Tout savoir sur le rhum agricole ». C’est ainsi que le rhum de style français est nĂ©, rĂ©putĂ© fin, fruitĂ© et avec quelques notes florales.

Trois puissances coloniales, trois interprĂ©tations du rhum… Dès lors quel rhum choisir ? Quel est le style qui vous correspond le mieux ? On vous dit tout dans l’article qui suit.

 

Les rhums de styles anglais (« rum »)

 

Pour les serviteurs de la Couronne britannique, la dĂ©couverte du rhum fut une vĂ©ritable aubaine. Pendant longtemps, trop longtemps, l’Angleterre a importĂ© ses vins depuis les pays voisins. Bon vivants, leurs tables s’accompagnaient systĂ©matiquement de vins français ou de brandys espagnols.

Et puis, les colons anglais se rendirent compte qu’ils pouvaient produire du rhum sur leurs territoires d’outre-mer.

Origines et fabrication du rhum anglais ou rum

Traditionnellement, le rhum de style anglais est fabriquĂ© dans les CaraĂŻbes. JamaĂŻque, Barbade, Sainte Lucie, Trinidad, Bahamas, Dominique, Antigua, Guyana … Au XVIIe siècle, l’empire britannique domine la production mondiale de rhum. D’ailleurs, jusqu’au XVIIIe siècle, la JamaĂŻque sera le premier pays producteur de rhum.

Pour rendre le rhum de tradition anglaise reconnaissable, les britanniques mettent sur pied un procĂ©dĂ© de fabrication unique. Ils recueillent de la mĂ©lasse de canne Ă  sucre qu’ils distillent deux fois dans des alambics dit « pot still » (alambique Ă  repasse de type charentais). La mĂ©thode de production s’inspire grandement de celle du whisky.

De cette fusion culturelle naĂ®t un rhum consistant, voire visqueux. Lourd, Ă©picĂ©, le rhum de tradition anglaise ou « rum » a une aromatique puissante. Traditionnellement, aucun sucre n’y est ajoutĂ© et le rhum se consomme brute Ă  des degrĂ©s dĂ©passant rĂ©gulièrement les 40°vol.

 

St Lucie et ses célèbres pitons, terre de rhum de tradition britannique

Les différents types de rhum anglais

MĂŞme si le rhum de tradition anglaise n’est pas le plus commun, il dispose d’une certaine variĂ©tĂ©. Ainsi, quatre types de « rum » peuvent ĂŞtre trouvĂ©s sur les Ă©tals :

  • le rhum blanc anglais : c’est grâce Ă  une filtration au charbon que le rum acquiert ce coloris. Rare, ce rhum peut ĂŞtre utilisĂ© pour fabriquer des cocktails tels que le Daiquiri, le Cuba libre ou la Pina colada ;
  • le rhum vieux anglais : aussi appelĂ© dark rum, aged rum ou black rum, il est fortement concentrĂ© en Ă©lĂ©ments aromatiques non alcoolisĂ©s. En foi de quoi, il a tendance Ă  ĂŞtre lourd et dotĂ© d’arĂ´mes particuliers ;
  • le Navy rum : mĂ©lange de rhums anglais originaires de JamaĂŻque, de Barbade, de Trinidad et de Guyane, il Ă©tait naguère servi quotidiennement aux marins anglais lors des traversĂ©es. Ce type de rhum a la particularitĂ© de dĂ©passer le « proof » (57.1° vol), soit le degrĂ© au-delĂ  duquel la poudre Ă  canon s’enflamme mĂŞme si elle est imbibĂ©e de rhum. Ces rhums sont donc destinĂ©s a des amateurs avertis !

Les rhums de style espagnol (« ron »)

 

Il a fallu du temps pour que le rhum de tradition espagnol, aussi appelĂ© « ron », connaisse la gloire. Pendant presque trois siècles, il Ă©tait peu considĂ©rĂ©. C’est Ă  peine si les connaisseurs osaient dĂ©poser une bouteille de « ron » sur leurs tables.

Cependant, avec l’indĂ©pendance des États-Unis, l’affranchissement d’HaĂŻti et la rĂ©volution française, le vent a tournĂ© en faveur de ce rhum.

Origines et fabrication du rhum de style espagnol ou ron

Pour trouver les premières distilleries artisanales de « ron », il faut se rendre en Amérique centrale et sur les îles des Caraïbes colonisées par les espagnols (Cuba, Porto Rico, République Dominicaine, Guatemala) et du sud (Venezuela, Colombie principalement).

Après la rĂ©volution de Sainte Domingue au dĂ©but du 19ème siècle, les distillateurs vivant autrefois Ă  HaĂŻti Ă©migrent en masse Ă  Cuba. Très rapidement, l’Ă®le devient le second producteur de rhum juste derrière la Guyane.

Pour crĂ©er le « ron », les nouveaux planteurs distillent de la mĂ©lasse de canne Ă  sucre via des colonnes. Parfois aussi, ils ont recours Ă  une mĂ©thode de vieillissement baptisĂ©e la Solera. Dans les faits, il s’agit d’empiler des fĂ»ts de chĂŞne sous forme pyramidale, ceux renfermant les rhums les plus ancien se trouvant sur le bas. Les rhums jeunes sont transvasĂ©s du haut vers le bas afin d’être « éduquĂ©s » par les spiritueux plus anciens. Assez complexe, la Solera est une technique hispanique peu utilisĂ©e de nos jours. Certaines marques comme Zaccapa ou Botran ont en toutefois fait une marque de fabrique.

Cuba, patrie par excellence du « ron » de style espagnol

Les différents types de rhums de tradition espagnole

C’est en grande partie Ă  Don Facundo Bacardi, un Ă©migrĂ© espagnol installĂ© Ă  Cuba, que le rhum de tradition espagnol doit son succès. Afin de dĂ©mocratiser le « ron », cet homme a une idĂ©e brillante: rendre le rhum plus lĂ©ger, pousser les arĂ´mes « faciles » de caramel, de cacao et de vanille durant le processus de vieillissement et Ă©dulcorer le produit final.  De la sorte, cette eau-de-vie devient plus accessible et plus facile Ă  boire.

Dès les premières bouteilles, le public est conquis. Encore aujourd’hui, si le rhum de tradition espagnol plaĂ®t autant, c’est grâce Ă  son goĂ»t rond, doux et vanillĂ©. Très utilisĂ© dans les cocktails, il est de toutes les fĂŞtes, surtout quand il fait chaud et reprĂ©sente, aujourd’hui, le style de rhum le plus vendu au monde.

 

Les rhums de style français (rhums)

 

Ne reprĂ©sentant que 2 % de la production mondiale, le rhum de tradition française est l’un des plus prisĂ©s. Et ce n’est pas uniquement Ă  cause de sa raretĂ©. RangĂ© dans la catĂ©gorie des rhums agricoles, il est d’une dĂ©licatesse incomparable (pour tout connaitre Ă  son sujet, se reporter Ă  notre article « Tout savoir sur le rhum agricole »).

Dès que les premières gouttes du rhum effleurent la langue, il dévoile des notes florales et végétales. Le rhum de tradition française à cette particularité d’être distillé à partir de jus de canne fraichement pressé (appelé « vesou »). Dès lors, le terroir est plus présent et son parfum plus marqué que celui de ses comparses produit à partir de mélasse. En bouche, la saveur de la canne à sucre est bien présente, et ce, alors que le goût est assez sec.

Produit en Martinique, en Guadeloupe et dans les Antilles, le rhum d’origine française est le seul rhum a disposer d’une Appellation d’origine protĂ©gĂ©e (Guadeloupe) et d’une Appellation d’origine contrĂ´lĂ©e (Martinique).

Guadeloupe et Marie-Galante comportent le plus grand nombre de distilleries de rhum agricole au monde

La cachaça

Parfois appelĂ© « rhum du BrĂ©sil » (il est exclusivement produit dans ce pays), la cachaça est un rhum pouvant ĂŞtre classĂ© dans la tradition française puisque produit Ă  partir de jus de canne Ă  sucre fraichement pressĂ©e. D’ordinaire lĂ©ger en termes d’alcool (infĂ©rieur Ă  40° vol) ce spiritueux peut ĂŞtre consommĂ© pur. Cependant, c’est inclus dans la rĂ©alisation de la CaĂŻpirinha, un cocktail brĂ©silien, que cet alcool dĂ©voile tous ses arĂ´mes.

La cachaça fait partie intégrante de la culture brésilienne tout comme le carnaval

Le clairin

C’est Ă  HaĂŻti qu’est nĂ© le clairin. Rhum artisanale par excellence et imprĂ©gnĂ©e des saveurs de l’Ă®le, le clairin est issu de la fermentation de pur jus de canne. C’est donc techniquement un rhum agricole. Afin d’obtenir du clairin, les artisans pratiquent une fermentation spontanĂ©e grâce aux levures prĂ©sentes naturellement dans l’air. Le vin de mĂ©lasse est ensuite distillĂ© dans des petits alambics artisanaux chauffĂ©s au feu de bagasse (rĂ©sidu de la canne Ă  sucre servant de combustible) avant d’ĂŞtre embouteillĂ© sans rĂ©duction Ă  leur degrĂ© naturel.