La Jamaïque ! Terre de rhum et de sucre ! L’une des plus belles îles de Caraïbes avec ses montagnes, ses forêts, ses plages et ses récifs, son climat tropical et ses distilleries légendaires !
Saviez-vous que la Jamaïque a été numéro un en matière de production de rhum ? Si aujourd’hui, l’ère industrielle a imposé les distilleries de Martinique et de Guyane, encore aujourd’hui la Jamaïque ne pâlit qu’à peine. Elle détient un savoir-faire ancestral et a continué à produire du rhum de manière traditionnelle, sans céder aux facilités de production. Le rhum jamaïcain est connu et reconnu pour sa qualité, sa puissance inégalée et ses arômes exaltants.
Et c’est parti pour une petite incursion au cœur des traditions jamaïcaines !
L’histoire du rhum en Jamaïque
Commençons par le début : l’histoire du rhum commence en Jamaïque avec la colonisation anglaise, et l’arrivée des planteurs de la Barbade qui ont vu en l’île des Caraïbes une véritable aubaine. C’est le début d’une époque florissante de distilleries et d’exploitations sucrières qui se multiplient comme des petits pains, au point qu’en 1784, on ne dénombrait pas moins de 1061 distilleries sur l’île ! Au XVIIIe siècle, la Jamaïque est consacrée plus grand producteur mondial de sucre et de rhum, avec pas moins de 10 000 000 de litres produits.
Connu par les pirates sous le nom de « Stynking Rum » ou « rhum puant », le rhum jamaïcain a déjà cette réputation d’être le fort en goût, puissant et typé, avec des arômes qui font saliver. En effet, ce n’est pas que ce rhum sente mauvais, mais il dégage une odeur terriblement forte et attractive de caramel, de fruits et d’épices. Les pirates se l’arrachaient à juste titre !
Lors de l’abolition de l’esclavage en Jamaïque en 1834, l’industrie du sucre et du rhum ralentit. Puis l’ère industrielle et la rationalisation ont propulsé la Martinique et la Guyane au rang de premiers fournisseurs de rhum au monde, devant la Jamaïque. Mais leur tradition s’est appauvrie car industrialisée, tandis que celle de la Jamaïque reste intacte. Et c’est aujourd’hui cette qualité qui lui rend ses lettres de noblesse.
Les spécificités du rhum jamaïcain et sa fabrication
Mais qu’est-ce qui rend le rhum Jamaïcain si particulier ? D’où proviennent cette puissance et ces arômes ? Les distilleurs jamaïcains sont fiers de leur tradition et les secrets de fabrication sont bien gardés. Toutefois, au fil des âges on se fait une idée plus nette des procédés utilisés, les mêmes depuis le XVIIIe siècle.
Tout d’abord, il y a les ingrédients. La fabrication du rhum jamaïcain comprend de la mélasse, du vesou (pur jus de canne), des écumes récoltées lors de la cuisson de ce même jus de canne, et le fameux dunder, secret de fabrication précieusement gardé sur lequel nous reviendrons plus tard.
Le mélange est ensuite distillé dans des alambics à repasse en cuivre, ou pot still, et c’est encore ici un autre savoir-faire ancestral qui n’est presque plus utilisé ailleurs qu’en Jamaïque, pour la distillation du rhum.
Bon à savoir : le « rhum jamaïcain » est une appellation contrôlée. Les autorités réservent l’appellation aux seuls rhums fabriqués et produits sur l’île de la Jamaïque, depuis la fabrication de la mélasse jusqu’à la distillation, et chaque exportation est certifiée. Le gouvernement jamaïcain apporte également une grande attention aux certifications d’âge. Ainsi, les barils individuels des distilleries affichent l’âge du plus jeune des rhums qu’elle contient, plutôt qu’une moyenne des âges comme c’est par exemple le cas pour les rhums « Solera ». Les rhums de la Jamaïque ont donc au minimum l’âge indiqué sur la bouteille… si ce n’est plus dans le cas de blend!
Le dunder
Le dunder ou « fosse à vinasse » est une sorte de sauce-booster de fermentation. Composé de résidus des précédentes distillations, il contient une grosse concentration de potassium et d’acides, notamment butyrique. Il est mis à vieillir dans des fosses de terre situées en bordure des distilleries avec ce qu’on appelle le muck, compost de paille de canne et de fruits. Ce mélange va macérer plusieurs mois (d’aucuns parlent même de putréfaction). Le dunder obtenu ressemble à une sorte de pâte épaisse, concentrée et puante, qui sera ajoutée au moût en fermentation. C’est le dunder qui apporte l’acidité, les arômes et la puissance caractéristiques du rhum jamaïcain, tout en en accélérant la fermentation. Mais ce n’est pas fini…
Le processus de fermentation
Boostée par le dunder, plus la fermentation est longue et plus le rhum sera chargé. C’est une fermentation naturelle ou spontanée, il n’y a aucun ajout de levures hors celles déjà présentes dans le mélange et dans l’air. Traditionnellement, la fermentation se fait dans des cuves en bois. Ce procédé demande plus de temps : de 15 jours à près d’un mois, pour produire ce que l’on appelle le high ester, mais cela décuple les arômes. C’est à ce stade que l’ère industrielle et ceux qui ont adopté des modernisations de fabrication ont dépassé la Jamaïque : l’utilisation de cuves en acier inoxydable et de milieux stériles et contrôlés permet une fermentation plus rapide, mais la puissance et les arômes s’en trouvent appauvris.
La distillation en pot still
La distillation en pot still ou alambics à repasse est une méthode traditionnelle et ancestrale héritée du XVIIIe siècle qui demande un travail manuel conséquent puisqu’il faut, généralement, 2 à 3 passes dans l’alambic pour obtenir un rhum de 70° ou plus. Le distillateur a le pouvoir de révéler plutôt telle ou telle saveur dans le rhum à venir, ainsi que le degré d’alcool. C’est pourquoi la distillation en alambics à repasse ou pot still est connue pour produire des heavy rum, des rhums lourds, puissants, aux arômes concentrés et riches.
Les distilleries jamaïcaines encore actives, leurs spécificités et leurs marques de rhum
Les distilleries jamaïcaines encore actives sont celles de Hampden, Long Pond, Appleton Estate, Worthy Park Estate et Clarendon, ou Monymusk qui dépend de l’industrie sucrière New Yarmouth. Héritières d’une longue tradition d’exportation en vrac, elles produisent désormais leurs bouteilles et défendent leur propre marque.
Hampden
Hampden existe depuis 1753, et c’est la plus authentique et traditionnelle : elle propose des rhums similaires à ceux du XVIIIe siècle. Elle s’est spécialisée dans le heavy rum, le rhum le plus lourd, mais elle propose également des rhums plus légers.
En 2011, Hampden offre la première bouteille à son nom : le Rum Fire, suivi en 2012 par le H§ampden Goldet le Rum Fire Velvet
Appleton Estate
Appleton Estate ou Wray & Nephew. Née en 1825, Wray & Nephew rejoint Appleton en 1917, et la distillerie garde les deux noms. C’est une distillerie entièrement indépendante et qui gère toutes les étapes de production, de la culture de canne à la mise en bouteille, et elle embouteille systématiquement toute sa production. Appleton est connue pour ses rhums vieux, jusqu’à 30 ans d’âge, qui sont aujourd’hui confiés à la première femme master blender d’une grande distillerie : Joy Spence.
Long Pond
Long Pond, la plus grande distillerie de Jamaïque, connue notamment pour son célèbre Captain Morgan. Sa production se réserve uniquement pour l’exportation et propose des rhums des plus lourds aux plus légers.
Clarendon
Clarendon de New Yarmouth, l’industrie sucrière, est d’abord vendue à l’exportation en vrac et pendant longtemps. Les embouteilleurs indépendants ont donné à son rhum l’appellation Monymusk. La distillerie Clarendon s’est ensuite approprié l’appellation pour sortir en 2012 sa toute première bouteille : Monymusk White. Elle offre des rhums distillés en pot still.
Worthy Park Estate
Worthy Park Estate, enfin, est la plus ancienne. Elle a fermé en 1962 pour rouvrir en 2005, avec pour ambition novatrice de conquérir le marché du rhum jamaïcain pour les jamaïcains. Comme ses comparses, elle distille des rhums légers, mediums et lourds pour l’exportation, et propose ses propres bouteilles : le Rum Bar dans le plus pur goût jamaïcain, et le traditionnel Worthy Gold 4 ans d’âge.
Si la Jamaïque est une Terre de Rhum depuis des siècles, ses habitants en ont une expérience singulière, née des années d’esclavagisme. A l’époque des premières distilleries, les jamaïcains ne pouvaient accéder qu’au rhum dit « overproof » (au-delà de 57°) de mauvaise qualité, soit un rhum blanc issu des têtes et queues de distillation et vendu sous le manteau. Plus tard, le rhum overproof s’est commercialisé dans les rum bars jusqu’à devenir le rhum traditionnel préféré des jamaïcains. De bien meilleure qualité, les « rhums overproof » d’aujourd’hui, propulsé par la tradition britannique des « Navy Rum » (pour plus d’information à ce sujet, voir l’article « Les différents styles de rhum: anglais, espagnol, français »), font l’objet d’un marché, dont se sont emparé les grandes distilleries de l’île avec le Rum Bar de Worthy Park Estate, le Rum Fire de Hampden et le Monymusk Overproof de Clarendon.
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