Comment fabriquer un rhum de qualité ?
Plusieurs facteurs ont une incidence décisive sur le caractère et la qualité du rhum que vous obtiendrez en sortie d’alambic. Pour faire simple, 3 éléments sont déterminants dans sa fabrication: la matière première, la fermentation et la distillation. Dans l’ordre, analysons de plus près ces différents paramètres et leur influence sur le précieux breuvage.
1. La canne à sucre – Matière première de toute production de rhum
Le rhum est une eau-de-vie obtenue par la distillation de produits provenant de la canne à sucre. Il n’est, par exemple, pas possible d’avoir une appellation « rhum » pour un alcool distillé à partir de la betterave. Voilà pour la définition. Dans la pratique, on dénombre 2 grands types de rhum :
Le rhum agricole
Le rhum agricole est fabriqué à partir de jus de canne à sucre fraîchement pressée aussi appelée le vesou (5% de la production mondiale). La canne à sucre, une fois coupée, est pressée dans les 24 à 48h afin de conserver sa fraîcheur. Le jus de canne obtenu est mis en fermentation. Les rhums agricoles se distinguent par des profils secs, très aromatiques, végétaux, parfois floraux qui tirent volontiers sur les épices. Vifs en bouche, ils sont souvent embouteillés « blanc » (c’est-à-dire sans vieillissement en fût) à plus de 40° voir 50° d’alcool. Ils feront merveille pour la confection de cocktails, de punch et de rhums arrangés. Ceux-ci sont, également, vieillis en fût, ce qui permettra de les arrondir et de les complexifier avec l’apport du bois.
Le rhum de mélasse
Le rhum dit traditionnel est produit à partir de mélasse (95% de la production mondiale). La mélasse est un sous-produit de la production de sucre. De fait, pour produire du sucre cristallisé, le jus de canne (vesou) est chauffé jusqu’à ébullition. Suite au processus d’évaporation, la concentration en sucre augmente jusqu’à la formation de cristaux de sucre. Ces derniers sont, ensuite, extraits par un processus de centrifugation. A la fin du processus de cristallisation, reste un liquide épais, de couleur brune caramélisée (suite à la chauffe intensive) au goût de réglisse : c’est la mélasse. Cette dernière comporte encore 50 à 60% de teneur en sucre. Elle est, ensuite, diluée avec de l’eau afin de diminuer sa concentration en sucre et de permettre aux levures d’initier le processus de fermentation. Moins aromatiques que leurs cousins agricoles, les rhums de mélasse ont plus de rondeur ce qui les rend plus accessibles. Ils mettent davantage à l’honneur des arômes de réglisse, de caramel, de chocolat, de café ou de vanille. Ces derniers représentent, également, la très grosse part de rhums vieillis en fût ce qui développera leur palette aromatique et leur complexité.
Une catégorie à mi-chemin émerge dans les pays d’Amérique centrale et du sud surtout, les rhums distillés à partir de « miel de canne à sucre». Le miel de canne s’obtient par une chauffe douce sur plusieurs jours du jus de canne. L’évaporation, lente, permet d’obtenir le miel de canne, sous-produit conservant une teneur en sucre plus élevée que la mélasse (70% au minimum). Le processus de fabrication est, ensuite, le même que pour les rhums de mélasse.
Le rhum BANQERO
Chez BANQERO, nous produisons du rhum traditionnel à partir d’une mélasse bio d’origine de Cuba comme c’est le cas, par exemple, pour notre gamme de rhum suisse. La mélasse, matière de prédilection de 95% de la production de rhum mondiale, présente l’avantage de bien se conserver et de se transporter facilement tout en conservant une haute teneur en sucre, ce qui est un facteur décisif pour le rendement de la production.
2. La fermentation – Processus central de la production de rhum
Le processus de fermentation représente la clé de voûte du développement des arômes d’un rhum de qualité et, donc, de son caractère. 3 facteurs influencent principalement la fermentation : les levures sélectionnées pour initier le processus, le niveau de PH du brassin (jus de canne ou mélasse dilué prêt à être fermenté) et la température de fermentation. Ces éléments vont directement influer sur le temps de fermentation, qui s’étale de 24h pour les fermentations les plus courtes jusqu’à 14 jours pour les plus longues.
Les levures tout d’abord
Les levures sont des champignons unicellulaires qui ont la particularité de se reproduire très rapidement et de provoquer la fermentation. Concrètement, les levures vont transformer le sucre en alcool. Leur travail s’arrête donc lorsqu’il n’y a plus de sucre dans le brassin. Le choix des levures utilisées pour la fermentation est capital puisque ces dernières sont responsables du développement des arômes que l’on retrouve dans le rhum et, donc, de sa qualité finale. Dès lors, de nombreuses distilleries et marques de rhum développe leur levure « maison », dont le secret est jalousement gardé.
A l’extrême inverse, certaines distilleries artisanales, et quelques grandes distilleries en Jamaïque notamment, pratiquent ce qu’on appelle la fermentation spontanée. Concrètement, le brassin se trouve en cuve ouverte et se sont les levures présentes naturellement dans l’environnement qui vont coloniser le brassin et initier la fermentation. Le risque, avec ce processus, est que des organismes étrangers non désirés viennent également peupler le brassin laissé à l’air libre, provoquant le développement de « faux goût » dans le rhum. Pour contrer ce risque, le brassin est régulièrement acidifié afin d’empêcher la venue et le développement des organismes non désirés.
Le niveau de PH (acidité) du brassin
Une fois la mélasse ou le jus de canne dilué à 100°Brix (échelle permettant de mesurer la teneur en sucre dans un liquide), le travail des levures peut commencer. Toutefois, avant cela, il est possible d’acidifier volontairement le brassin. Concrètement, plus le milieu est acide, plus le travail des levures est rendu difficile et donc le temps de fermentation long. Corollaire de ce processus rallongé dans un milieu plus « hostile », les levures développeront des arômes renforcés, débouchant sur des rhums « grands arômes » (dénommés ainsi dans les Antilles françaises) ou « high ester » (reste des Caraïbes et, plus particulièrement Jamaïque). La Jamaïque offre un bel exemple de ce procédé avec ses rhums « Dunders ». Pour ce faire, de nombreuses distilleries de ce pays utilisent une technique ancestrale d’acidification qui consiste à utiliser des résidus de précédentes fermentations, appelé les « vinasses », qui sont ajoutées au brassin. Le résultat offre des rhums surprenants et très typés, dont le style est immédiatement reconnaissable.
La température de fermentation
La température optimale de fermentation se situe entre 20 et 30°C. C’est dans cet intervalle que le travail des levures est le plus efficace. Une température trop basse empêcherait les levures d’initier le processus de fermentation alors qu’une température trop haute présenterait le risque que celui-ci s’interrompe alors qu’il reste du sucre dans le brassin. Retenez, encore, que plus la température est élevée, plus le processus de fermentation est rapide.
Le rhum BANQERO
Chez BANQERO, nous acidifions le brassin afin de pratiquer des fermentations longues, gage de rhums de qualité aux profils très aromatiques. D’ailleurs, notre rhum blanc BANQERO Silver a été primé au World Rum Awards ainsi qu’à IWSC (International Wine & Spirit Competition) pour son aromatique exceptionnel, qui allie la réglisse, le caramel et des notes de cannelle en fin de bouche.
3. La distillation – Point d’orgue de la fabrication du rhum
L’alambic
Pièce maîtresse de l’obtention d’une eau de vie d’exception, la distillation scelle le destin du rhum en devenir. Plusieurs types d’alambic se font concurrence. Les alambics traditionnels à repasse (plusieurs passages sont nécessaires afin d’obtenir un degré alcoolique de 70° et plus) dit “pot still” ou alambic charentais, en passant par les alambics dit « mixte » (alambic à colonne discontinu qui implique une distillation par “batch”) pour arriver aux colonnes de distillation modernes (distillation continue). Il est important de noter que les alambics sont principalement constitués de cuivre, ce matériau est un excellent conducteur thermique et à la propriété de catalyser certaines molécules volatiles indésirables contenues dans le vin de mélasse, gage de la qualité du produit final.
Le processus de distillation
La distillation est un procédé de purification qui consiste, par un processus d’évaporation suivi d’une condensation, à éliminer tous les éléments non-alcoolique d’un distillat. Concrètement, plus le processus d’évaporation / condensation est reproduit sur le même distillat, plus le taux d’alcool augmente. Certaines colonnes de distillation modernes reproduisent le processus évaporation / condensation jusqu’à obtenir des alcools très purs dépassant les 90° volumique. Or, il faut savoir que plus le taux d’alcool est élevé en sortie d’alambic, moins l’eau-de-vie sera aromatique, cela étant le résultat des éléments “non-alcool”. A partir d’un taux de 95° volumique, un alcool est d’ailleurs considéré comme neutre, c’est-à-dire qu’il peut provenir de n’importe quelle matière première, il aura perdu toute propriété aromatique propre à le distinguer.
C’est pour cette raison, par exemple, que le rhum martiniquais AOC doit être distillé entre 65 et 75° volumique pour respecter le cahier des charges AOC (pour de plus amples informations à ce sujet, consulter article « Appelation d’origine contrôlée » de rhum-agricole.net https://www.rhum-agricole.net/site/fr/index.php?id=aoc). Ceci permet aux rhums martiniquais d’assurer un haut standard de qualité quelle que soit la distillerie qui le produit.
Les méthodes de production traditionnelles en Jamaïque donnent un autre bel exemple de rhum à l’aromatique marquée, résultat, entre autres, d’un taux d’alcool « modéré » en sortie d’alambic (généralement inférieur à 80°). Distillé à l’aide d’alambics de type pot still traditionnel, le processus d’évaporation / condensation est unique, ce qui implique souvent de repasser le distillat 2 ou 3 fois pour obtenir un taux d’alcool suffisamment élevé (généralement supérieur à 70° volumique).
Le rhum BANQERO
Les rhums BANQERO sont produits dans un alambic mixte discontinu avec une double colonne comprenant 3 plateaux et un déflegmateur (ultime étape avant le refroidissement, le déflegmateur est un catalyseur thermique qui a pour but de condenser l’alcool pour le rendre encore plus pur). L’alcool titre à 70° volumique en moyenne en sortie de colonne, ce qui confère des arômes marqués à nos rhums et une qualité indéniable.
Pour conclure
Pour résumé, si vous souhaitez produire des rhums plutôt légers, il vous faudra plutôt miser sur de la mélasse pour la matière première que vous ferez fermenter sur une courte durée (moins de 48h) et que vous distillerez dans des colonnes de distillation modernes pour obtenir un alcool approchant les 90° volumique en sortie d’alambic. A l’inverse, si vous préférez les rhums lourds et / ou aromatiques, il faudra plutôt miser sur une fermentation longue en milieu acidifié (jus de canne fraiche ou mélasse) et distiller à des degrés compris entre 65 et 80° volumique.
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